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LA CHUTE DE MÉLINE


père un voleur qui, lui aussi, comme Dreyfus, avait cherché « à déguiser son infâme conduite en parlant de son innocence ».

Au contraire, Trézel opinait que « deux mois de détention et la perte de son grade étaient pour l’officier coupable une punition suffisante » ; et Rovigo, en réponse à une lettre de Soult qui s’étonnait que François Zola eût été mis si vite en liberté, revendiquait la responsabilité d’une mesure humaine et juste : « À quel titre pourrais-je signer un ordre d’informer contre un homme qui a rempli tous les engagements qu’il avait pris ? »

Billot, à la lecture de ces documents, éprouva quelque déception ; il fit demander s’il existait un dossier, plus grave, au bureau de la justice militaire ; on lui répondit que non[1].

Henry s’est-il alors concerté avec Gonse ? Boisdeffre avec Du Lac[2] ? Quoi qu’il en soit, Henry remit tranquillement au dossier les lettres de Rovigo et de Trézel, copia la lettre de Combe, mais en la falsifiant, et en forgea une seconde. Il supprima, notamment, de la première le passage relatif au payement intégral du déficit et l’histoire, qui expliquait tout, de la Dalila de caserne qui avait affolé le malheureux officier[3]. La

  1. Déclaration de Raveret ; note (au crayon), cote 14.
  2. « Dans un établissement religieux du quartier de l’Europe, un ancien élève qui, vers ce temps (avril 1898), rendit visite à un Père, son professeur d’autrefois, reçut de lui cette bonne nouvelle : « Oh ! Zola, il n’est plus à craindre, il est fini, nous avons de quoi le tuer ! » (La Vérité en marche, 313).
  3. « Le sieur Fischer s’est offert à acquitter pour Zola le montant des dettes au payement desquelles les 2.000 francs saisis dans la malle ne suffisaient pas. Cette offre acceptée, tous les créanciers ont pu être payés, et le conseil d’administration couvert du déficit existant en magasin… Fischer était marié et il avait existé longtemps entre lui, sa femme et Zola, des relations toutes particulières d’intimité, de ménage et de cohabitation, qu’on pouvait diversement interpréter. On n’avait