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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vie habituel, allant presque tous les jours chez Pellieux « comme au rapport[1] », lui menant des journalistes[2], recevant, par son intermédiaire, les communications de Gonse, les portant à « ses journaux » avec celles d’Henry qui lui étaient remises par Guénée[3], discourant jusqu’à une heure avancée de la nuit dans les salles de rédaction et les cafés.

Pourtant, il restait inquiet, terriblement énervé, toujours aux aguets, à la façon d’une bête traquée qui a dépisté une première fois les chiens, mais qui sait qu’ils reviendront et qui entend déjà leurs aboiements ; et ni Henry ni Pellieux ne parvenaient à le rassurer. Pellieux avait beau lui rappeler ce mot de Félix Faure : « Général, ce ne sont pas quinze cents gredins qui feront marcher la France ! » Il continuait à se méfier du Président de la République qu’il faisait harceler par les gens de la Libre Parole[4], et il redoutait surtout les quinze cents « gredins », et principalement Picquart.

  1. Cass., I, 589, 610 ; Dép. à Londres (5 mars 1900).
  2. Il cite, notamment, Boisandré (de la Libre Parole), et Cloutier (de l’Intransigeant). Il attribue au général de Pellieux un article de l’Écho de Paris (du 24 avril 1898), qui dénonçait Panizzardi comme ayant été l’intermédiaire entre Dreyfus et Schwarzkoppen et révélait les pseudonymes (Maximilienne, Chien de Guerre) dont se servaient les attachés italien et allemand.
  3. Esterhazy a joint à sa déposition quelques-uns de ces billets d’Henry relatifs à des communications à faire à la presse : « M’envoyer de suite au ministère détail sur dernière note remise au général ; n’en parlez à personne… » « Le général (Gonse ?) a remis au général de Pellieux, pour que vous la fassiez passer dans un de vos journaux, une note. Portez cela à la Libre ou à l’Intransigeant à votre choix… Le général de Pellieux vous a-t-il remis quelque chose avant hier pour l’Écho de Paris ? » — Il fréquentait également à la Patrie, à la Presse et au Gaulois.
  4. Dép. à Londres (Éd. belge), 94 : « Devant l’inertie du Président de la République, j’ai prié M. de Boisandré de demander à Mme de Martel de rappeler à Félix Faure le mot qu’il avait dit au général de Pellieux. »