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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Deux versions de ce télégramme ont été fournies à la Guerre par les Affaires étrangères.

Version n°1 :

Arrestato capitano Dreyfus ; ministro della Guerra trovato relazione (ou proba) segrete offerte Germania. Cosa instrutta con ogni secreto (ou reserva). Rimane prevenuto emissario.

Gonse, d’autre part, à la Cour de cassation[1], dépose en ces termes :

J’ai le souvenir d’un premier texte où il était dit à peu près ceci :

« Capitaine Dreyfus arrêté : précautions prises ; ministère de la Guerre instruit dans le plus grand secret des relations avec… (je supprime la puissance), émissaire prévenu. »

Et je n’ai pas le souvenir que ce premier texte ait été communiqué sur le papier à cases ayant servi à la traduction.

Or, ce que Gonse appelle le premier texte, c’est précisément l’ébauche cryptographique où les mots étaient indiqués à titre conjectural ; et ce premier texte de Gonse est, comme on voit, identique à la version n° 1 de Du Paty.

Il en résulte que quelqu’un, dès 1894, avait composé un faux premier texte en groupant, dans un sens prédéterminé, les mots qui étaient indiqués sur l’ébauche et en y ajoutant la dernière phrase, indiquée comme douteuse, de la deuxième version des affaires étrangères.

Un conseiller à la Cour de cassation eut, le 27 janvier 1899, une intuition du faux :

M. le général Gonse pourrait-il nous dire si la dépêche qu’il a eue sous les yeux comportait des corrections ou était d’une écriture courante et sans ratures ? Et, dans ce cas, sait-il de qui émanait cette écriture ?

Gonse répond :

Je ne m’en souviens en aucune façon. Je ne peux pas dire de

  1. Cass., I, 564, Gonse.