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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


triptyque (Lourdes, Rome, Paris), méditait ses Quatre Évangiles. « Si j’avais été dans un livre, je ne sais pas ce que j’aurais fait[1]. » Cependant, il hésitait à se lancer dans la bataille, étranger à la politique.

Sous la tempête, Scheurer, fort de sa conscience, recommençait, Clermont-Tonnerre : « Que peut-on nous opposer ? Des injures. Nous nous tairons[2]. » Zola lui écrivit : « Votre attitude, si calme au milieu des menaces et des plus basses insultes, me remplit d’admiration. Vous livrez le combat pour la vérité ; c’est le seul bon, le seul grand. Même dans l’apparente défaite, la victoire est au bout, certaine[3] ».

La semaine d’après, Fernand de Rodays, directeur du Figaro, lui raconta qu’ayant assisté à la parade d’exécution, dès ce jour, il avait cru à l’innocence de Dreyfus. Zola proposa d’écrire trois articles qui, dans sa pensée première, seraient trois portraits : Scheurer, Dreyfus, Picquart.

Du premier de ses articles, qui parut le 25 novembre il dit lui-même : « On y remarquera que le professionnel, le romancier, était surtout séduit, exalté, par un tel drame. Et la pitié, la foi, la passion de la vérité et de la justice, sont venues ensuite[4]. » L’article commence par ces mots : « Quel drame poignant et quels personnages superbes ! » En sera-t-il le poète ou, lui aussi, l’un des héros ? Il l’ignore encore. Il raconte l’idée du doute chez Scheurer, la hantise sans cesse renaissante, « la minute redoutable » où il a tenu la cer-

  1. C’est ce qu’il m’a dit à plusieurs reprises, avec une touchante sincérité.
  2. Assemblée des représentants de la Commune de Paris, 30 juillet 1789 (Sigismond Lacroix, Actes de la Commune, I, 51).
  3. Lettre du 20 novembre 1897.
  4. La Vérité en marche, 3.