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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Esterhazy reçut d’Henry l’assurance formelle qu’il ne serait pas arrêté ; — sinon, il avoue, il raconte tout ; — qu’aucune perquisition (d’ailleurs inutile) ne serait faite chez lui[1]. Ainsi sera-t-il établi que l’État-Major le sait innocent, victime d’une détestable machination. Saussier était consentant.

Une autre réponse eût été plus probante qu’une demande d’enquête : poursuivre Mathieu Dreyfus en cour d’assises, où la preuve est admise, produite, discutée publiquement au grand jour)[2].

Pour qui eût réfléchi, choisir, au lieu de la pleine lumière des assises, les pénombres d’une enquête à huis clos, c’était déjà l’aveu et du crime et de la collusion.

À l’État-Major, Boisdeffre (mais sous le coup de fouet de Drumont) s’engagea à fond.

Drumont, ce matin même, l’avait vertement tancé pour la mollesse de son attitude. Il le frappait à l’endroit sensible, lui reprochant d’exploiter l’alliance russe, de s’en faire une réclame près des badauds, d’ailleurs incapable[3].

Esterhazy avait « fait marcher » aussi l’Intransigeant.

On ignore qui fit la paix de Boisdeffre avec Drumont ;

  1. Dép. à Londres (1er mars 1900). — Billot dit que ce fut Saussier qui décida de laisser Esterhazy en « liberté provisoire » ; il place cette décision au moment de la seconde enquête de Pellieux (Rennes. II. 174). De même, Gonse : « Esterhazy avait été laissé en liberté, chose qui nous échappe encore complètement, par ordre du général Saussier. L’État-Major n’y était absolument pour rien : je tiens à le déclarer bien nettement. » (Rennes, II. 161.) Gonse dit qu’en conséquence Esterhazy était « un accusé pas ordinaire, un accusé spécial ».
  2. Autorité du 6 décembre 1897, article de Cassagnac.
  3. « Il exploite la sympathie un peu badaude qui s’attache à tout ce qui touche à la Russie… Notre nouveau Berthier a été au-dessous de tout. » (Libre Parole du 16 novembre.)