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LE SYNDICAT


il envoya son chef de cabinet chez Rochefort[1].

Pauffin l’avait connu sur les champs de course : il lui confia que L’État-Major tenait en réserve des preuves décisives du crime de Dreyfus, « ignorées encore du Syndicat » : le bordereau annoté, les lettres de l’Empereur d’Allemagne.

Rochefort, depuis trente années, insultait pêle-mêle les militaires et les civils ; nul n’a vomi plus d’outrages contre l’armée[2] ; mais il était sans défense dès qu’un officier le flattait dans son orgueil, saluait en lui le maître de l’opinion.

  1. Au procès Zola. (I, 252). Pauffin affirma qu’il avait fait cette démarche « de sa propre initiative. On prêtait, dit-il, à l’État-major une attitude équivoque… » La démarche est donc bien la réponse à l’article de Drumont où Boisdeffre était malmené. « J’ai cru pouvoir dire à M. Rochefort, que je connaissais un peu pour le rencontrer de temps en temps, ce qu’on disait hautement autour de moi, à l’État-Major. » Mais « il ne peut pas dire exactement ce qu’il lui a dit » et déclare « qu’il ne lui a porté aucun dossier ». — Boisdeffre a reconnu, comme je le raconterai par la suite, qu’il avait envoyé Pauffin chez Rochefort. — Esterhazy dit formellement que les lettres de l’Empereur d’Allemagne furent révélées à Rochefort par Pauffin. (Dép. Londres, 26 fév. 1900.)
  2. Au hasard, je cite quelques extraits : « Ah ! voilà assez longtemps qu’on nous embête avec l’honneur militaire ! » « Zurlinden lèche les bottes de l’armée allemande. » « Le général Ferron n’est pas un grotesque, c’est un criminel. » Saussier est « un hippopotame, un idiot, un fessier à envoyer au dégraissage, le roi des poltrons ». « Tuer un civil constitue pour le militaire un acte méritoire. » « Les officiers se conduisent envers leurs hommes comme ils ne se conduiraient pas peut-être envers des animaux. » « Dans le militarisme, un voleur n’est pas plus un voleur qu’un assassin n’est un assassin. » « Les chefs, ces bourreaux imbéciles… » « Une combinaison favorable m’a empêché de faire partie de cette belle armée française où je n’aurais donné peut-être d’autre exemple que celui de la désertion. » « Les assassins elles chapardeurs prussiens ont à peine commis la moitié des crimes dont les armées françaises se sont rendues coupables avant de donner leur démission à Sedan. » (L’Armée jugée par les nationalistes, avec renvoi, pour chaque citation, à l’Intransigeant.)