Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’innocence assez puissante pour ébranler l’autorité de la chose jugée. » Pour le papier pelure, « certainement, il est pareil à celui d’Esterhazy », mais « il n’est pas hors de commerce » et « Dreyfus a pu en avoir aussi » ; d’ailleurs, « sa culpabilité est démontrée par la teneur du bordereau » ; les pièces secrètes, selon la traduction qu’en donne Cuignet, s’appliquent à lui, et voici, selon Roget, les mobiles du crime :

À l’École de guerre, un des présidents des commissions d’examen l’avait mal noté… Il arriva ainsi à l’État-Major de l’armée déjà ulcéré par ce qu’il considérait comme un déni de justice dû à sa qualité d’israélite. Dans ce nouveau milieu, il se fit détester, comme ailleurs, par son caractère arrogant et vaniteux. Il était, de cette façon, dans des dispositions excellentes pour trahir. Extrêmement ambitieux, il a pu aussi chercher à nouer des relations avec des agents étrangers dans un but d’amorçage. Il serait allé ensuite plus loin qu’il n’aurait voulu d’abord. Enfin rien qui empêche de croire qu’il ait trahi pour de l’argent, car il dépensait beaucoup avec les femmes et au jeu[1].

Ballot constata de sa voix claire qu’il avait exposé, « aussi impartialement qu’il avait pu, le pour et le contre ». Maintenant, il va faire connaître son propre avis. — Dès le début de son discours, il avait écarté, par des arguments de droit, le système de la cassation sans renvoi, et l’on savait que Manau, Mornard, conclueraient, eux aussi, au renvoi devant un autre conseil de guerre. — « Messieurs, devez-vous casser ? »

Alors, graduant ses effets, il reprit à nouveau toute l’affaire : « Le fait nouveau en sens inverse » qu’a évo-

  1. Cass., I, 631, Roget.