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CHAMBRES RÉUNIES

XIII

Mazeau, pour des raisons personnelles et pour des raisons générales plus nobles, tenait à ce que l’arrêt fût rendu à l’unanimité des trois Chambres. On devine les arguments qu’il fit valoir auprès des quelques conseillers qui voulaient que Dreyfus restât coupable. Les partisans de la Revision étaient de deux sortes : les uns, convaincus seulement de la nécessité de nouveaux débats, n’entendaient pas se prononcer sur le fond ; les autres, d’autant plus impatients d’une victoire éclatante qu’ils étaient plus certains de l’innocence du malheureux, pensaient que l’arrêt, même rendu par une unanimité factice, aurait plus de poids que voté seulement à la majorité. Une telle sentence s’imposera aux plus hostiles, fera reculer les dernières haines. Cette vue des choses les rendait conciliants sur le dispositif ; pour les derniers réfractaires, c’était maintenant la grande, la seule affaire.

Cette minorité (Sevestre, Sallantin, Rau, Voisin, Dareste, Crépon) avait reconnu que la revision était inéluctable et s’y était résignée, mais sans en convenir. Le prix que Mazeau et le reste de la Cour attachaient à leur vote leur permit de continuer la résistance sur la rédaction de l’arrêt. Tout leur effort consista à écarter un dispositif qui ferait corps avec la chose jugée, la mettrait à l’abri des embûches, des retours offensifs, l’élèverait trop haut.

Le délibéré fut long, ardent, parfois violent. De part et d’autre furent prononcés des discours véhéments, où éclataient les passions du jour.

Ballot avait préparé un arrêt très fortement motivé