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CHAMBRES RÉUNIES


Sur le bordereau, le dispositif rappela le rapport des experts en papier, les conclusions de Meyer, Giry et Molinier auxquelles Charavay s’était associé : « Attendu que ces faits, inconnus du conseil de guerre qui a prononcé la condamnation, tendent à démontrer que le bordereau n’aurait pas été écrit par Dreyfus. »

Il eût fallu l’imputer sans réticences à Esterhazy, comme l’avait fait le rapporteur ; on ne l’osa pas, parce que c’eût été supprimer la base de l’accusation, ne rien laisser à juger au conseil de guerre, l’équivalent de la cassation sans renvoi. Ainsi on laissait la porte ouverte à une nouvelle erreur judiciaire. Résultat ordinaire du manque de logique et de fermeté. En fait et en droit, les juges militaires vont être libres d’attribuer de nouveau le bordereau à Dreyfus ou de croire, avec Cavaignac, que le bordereau est d’Esterhazy, mais que les pièces ont été fournies par Dreyfus.

Ballot lui-même, dans son rapport, leur en avait reconnu le droit, plutôt que de renoncer à sa théorie que la cassation sans renvoi n’était pas possible : « S’il était vrai, avait-il dit, que les faits nouveaux dussent établir l’innocence, la demande de recevabilité se confondrait avec la revision même, de telle sorte que le renvoi serait sans objet, ou plutôt présenterait l’inconvénient grave d’une contradiction à craindre entre votre arrêt et l’arrêt ultérieur qui interviendrait. Aussi la loi de 1805 parle-t-elle uniquement des faits qui sont de nature à établir l’innocence du condamné, mais qui, peut-être, en dernière analyse, ne l’établiront pas[1]. »

Sans doute, il souhaitait ardemment que cette « der-

    vous la proposer comme moyen d’annulation, nous ne vous la proposerons pas non plus comme moyen de revision. » (261.)

  1. Cass., III, 31, Ballot-Beaupré.