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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


était l’homme de paille des Juifs[1] », il ne l’aurait même pas discuté.

Mais les juges, il faut le répéter, eussent dû réfléchir que des soldats s’accommoderaient de cette sottise ; eux-mêmes, d’une mentalité si différente, presque une autre espèce d’hommes, avec toute leur expérience de magistrats et tant de moyens d’informations, ils ont été si longtemps réfractaires à l’impopulaire vérité !

Rien que les résistances qui se prolongeaient dans la Cour elle-même eût dû les avertir ; ils ne comprirent pas qu’ils devaient à la justice d’aller jusqu’au bout de leur tâche, et à l’armée de lui épargner jusqu’à la tentation d’une faillite.

La confiance, presque générale au camp revisionniste, un texte de loi qui prêtait à controverse, un peu de peur enfin, les arrêtèrent à mi-route.

Il y avait encore tant d’équivoques, de mensonges et de timidités dans l’air, qu’il s’en introduisit jusque dans ce glorieux arrêt.

On ne vit d’abord, le monde entier ne vit que la cassation du jugement de 1894, la fin du martyre d’un innocent. Les vices profonds de l’arrêt apparurent plus tard.

Même la formule atténuée : Attendu que ces faits…, ne fut adoptée qu’à la majorité ; — cette majorité, avec un peu d’audace, se fût-elle retrouvée pour une formule plus claire ou pour un arrêt plus haut ? Du moins, il eût fallu l’essayer ; — la minorité eût voulu que le dispositif laissât le bordereau indécis, indivis, entre Esterhazy et Dreyfus.

    lement mes propres paroles. Londres, le 4 juin 1899, Esterhazy. » Déclaration analogue dans le Daily Chronicle, reproduite en fac-similé par le Siècle du 8. — La note d’Esterhazy fut saisie dans les bureaux du Matin, à l’époque du procès de Rennes.

  1. Rennes, III, 395, Roget.