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CHAMBRES RÉUNIES


provoquer une sédition parmi les soldats[1], repoussait avec humeur leurs aveux, les dénaturait au besoin, mais à leur profit[2], et, d’ailleurs, ignorait les documents d’où résultait la longue et lointaine préparation du complot[3]. Roget affirma que, surpris comme il l’avait été, préoccupé de ne pas tomber de cheval et de ramener ses troupes en bon ordre ; les adjurations de Déroulède et ses cris répétés : « À Paris ! à l’Élysée ! » s’étaient perdus pour lui dans le vacarme confus des acclamations et des musiques[4]. Il s’étonna que des sous-officiers et de simples soldats les eussent entendus[5] et, surtout, ne se cachait pas de sa sympathie pour « le caractère généreux et chevaleresque » de l’accusé[6].

Les conspirateurs royalistes furent vite rassurés. Ici encore, Dupuy avait tous les éléments d’un solide procès, non seulement les aveux de Guérin, qui avait accompagné Déroulède dans son équipée, et ceux de Buffet, qui, se déclarait résolu à continuer, tant qu’on ne le mettrait pas en prison[7], mais encore plusieurs centaines de preuves écrites, les rapports au jour le jour de ceux des conjurés qui étaient à la solde de la police,

  1. Ordonnance de soit communiqué du 6 avril 1899, réquisitoire du 7, réquisitoire définitif du 14, ordonnance de transmission de la procédure du 19, etc.
  2. Instr. Pasques, 29 : « Alors vous attendiez le premier général venu ? — Oui, j’attendais le premier général qui viendrait. » — 105, Réquisitoire définitif : « Ils n’avaient même pas arrêté leur choix sur un général ; ils attendaient le premier venu. »
  3. Haute Cour, V, 86.
  4. Instr. Pasques, 16, Roget.
  5. Voir t. IV, 602.
  6. « J’ai fait arrêter Déroulède, parce que c’était mon devoir, quelque admiration… etc. » (Lettre à Mme X…, dans le Courrier de Genève du 13 mars 1899.)
  7. Voir t. IV, p. 562.