Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
DÉFENSE RÉPUBLICAINE


que, lui-même, il n’avait pas nommés[1], les autres qui n’étaient pas guéris des « individus ».

Mathieu Dreyfus vit tomber ces semences, sut qu’elles germeraient, se multiplia pour retarder l’inévitable. Mais Lazare, dans sa lettre, l’avait appelé « le frère admirable, vrai héros celui-là…[2] ».

VIII

Le lendemain[3] de la mise en liberté de Picquart, j’eus un entretien singulier avec le père Du Lac. Par l’imprudence de son agitation et par ses bavardages, il était devenu, dans l’imagination de beaucoup de monde, l’incarnation vivante du Rodin d’Eugène Sue, et, bien qu’il fût loin d’occuper la première place dans la hiérarchie de sa compagnie, il en était réputé le chef, le grand machinateur des complots catholiques et militaires. Son rôle réel n’en avait pas été moins considérable, confesseur et inspirateur de Boisdeffre, ami intime d’Albert de Mun, en perpétuels tripotages avec les politiques, les journalistes (surtout avec Drumont) et des officiers. Tant que le vent souffla en poupe, il ne se cacha pas de son influence et se plut à l’exagérer. Maintenant que le ciel s’obscurcissait, il était aussi gêné de sa renommée qu’il en avait eu d’orgueil et, depuis qu’une enquête avait été ordonnée sur Pellieux, redoutait d’être compromis dans une de ces affaires où l’Église ni le Gésu ne plaisantent quand elles

  1. Notamment Labori et Urbain Gohier.
  2. Clemenceau (ou Vaughan), qui publièrent l’article, eussent pu supprimer ces quatre mots, où Picquart se sentit visé.
  3. 10 juin 1899.
10