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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ses proches ? Elle s’accusera, sur son lit de mort, d’avoir calomnié un prêtre. » Mieux vaudrait convenir, dans une lettre publique, qu’elle s’est trompée et mettre ainsi fin à ce scandale.

J’eus quelque peine à le rebuter, sans lui dire le fond de ma pensée ; je répliquai obstinément que je n’étais pas qualifié pour intervenir dans un conflit de cette nature.

Il aborda alors un autre point, qui lui tenait peut-être moins à cœur : ses relations avec Boisdeffre.

Il l’avait connu, pendant la guerre, au Mans, quand Boisdeffre, jeune et brillant officier d’État-Major, sorti de Paris en ballon, faisait campagne avec Chanzy ; il ne l’avait revu ensuite qu’à de rares intervalles ; enfin, il s’était lié avec lui à l’époque où le général était devenu le second, puis le successeur de Miribel. Chaque soir, ils se rencontraient. Mais ils ne parlaient ni de politique ni des choses de l’armée, seulement de Dieu ou des affaires de famille du général. Boisdeffre ne l’a entretenu qu’en passant de l’affaire Dreyfus ; ainsi, une fois, il le prévint qu’un ancien zouave pontifical, au nom historique, allait être dénoncé ; mais il n’était occupé que de mobilisation, absorbé par la préparation du plan XIII. Maintenant, frappé par l’adversité, il ne vit plus que pour les siens, malade et faisant peine à voir. L’autre jour, dans la cellule du moine, où, par hasard, Albert de Mun s’était trouvé en même temps, il a dit au jésuite : « Donnez-moi votre bénédiction comme à un homme qui attend le peloton d’exécution. » Et Du Lac l’avait béni. Il eût voulu savoir si son ami était sous le coup de nouveaux ennuis.

Je lui répondis de s’adresser lui-même à Boisdeffre, qui savait apparemment si quelque crime était encore à découvrir. Il grogna que la règle de l’Ordre lui défen-