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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rieuses passions. Quelle plus belle tentation que de commencer la nouvelle présidence, le nouveau règne, par le retour aux principes, que de faire tomber Dupuy d’une chute qui serait une leçon de politique et de morale !

Dupuy, avec la perception très nette du danger, pressa la commission, sa majorité d’une voix, de gagner de vitesse le temps qui était contre lui. Elle avait élu pour président Guérin, le ministre de la Justice de 1894, l’homme du monde qui aurait dû tenir le plus à honneur de réparer le crime judiciaire de Mercier et de ne pas frapper les juges, parce qu’ils allaient absoudre. Guérin, qui était tout à Dupuy, convoqua d’urgence la commission (le 20 février, dès le surlendemain du congrès) et, le jour même, après une rapide audition de Lebret, on donna le rapport à Bisseuil, radical à tout faire, l’un de ces parlementaires qui font consister la politique dans les profits de gouvernement pour leur clientèle et, de plus, ancien avoué, qui avait puisé dans la procédure et la chicane le mépris du Droit. Il bâcla son rapport dans la nuit et le déposa le lendemain.

Rien de pareil n’avait encore été présenté au Sénat. Le rapport, s’il eût invoqué seulement les pointages de Lebret, eût été honorable auprès de cette compilation d’hérésies juridiques, de plaisanteries à l’adresse des naïfs à qui répugnent les lois d’exception, d’insolences à l’adresse des membres de la Chambre criminelle. Les diffamations et les niaiseries de Quesnay sont pour Bisseuil « les graves accusations formulées par un haut magistrat de la Cour suprême ». Les « appréhensions de l’opinion publique » ont été « légitimées » par Mazeau et ses deux collègues ; ils « ont établi péremptoirement que les passions avaient envahi le prétoire » ; la partialité des juges résulte « des données certaines de l’en-