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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


devait s’étendre, sous peine de mensonge, aux vainqueurs comme aux vaincus de la Commune, à Galliffet comme à Vaillant. — « Le gouvernement propose de défendre la République ; je lui donne mon vote ; j’invite tous ceux sur qui je puis avoir, par ma carrière passée, quelque influence dans cette Chambre, à voter, je ne dis pas pour le gouvernement, mais pour la République. »

Il tendit, éleva les bras dans un appel où les initiés reconnurent le signe maçonnique de détresse. C’était bien superflu : sa détresse, son angoisse pour la République, criaient assez haut dans le sanglot de sa voix, dans sa figure ravagée.

Aynard, sans monter à la tribune, raisonna ses amis, arracha à Méline, un par un, près de la moitié des modérés[1], pendant que Brisson entraînait le gros des radicaux.

Péniblement, à vingt-cinq voix, mais plus de soixante députés s’abstinrent, la Chambre accorda l’espèce de sursis qui lui était demandé, jusqu’à l’arrêt de Rennes[2].

On traîna encore huit jours, le temps de voter les contributions, et sans autre incident qu’une motion de Dé-

  1. Montebello l’y aida ; il s’était retiré du groupe « méliniste », à la suite de la réunion du 23 juin (voir p. 178), et avait communiqué aux journaux sa lettre de démission. En séance, Hénon, au nom des modérés, expliqua qu’il leur était impossible de voter pour un ministère « dont les membres ne pouvaient être unis qu’à la condition de ne pas bouger ». — « Il aurait suffi du déplacement de douze voix pour renverser Waldeck ; Aynard les lui a données… » (Drumont, Libre Parole du 11 mars 1902.)
  2. L’ordre du jour pur et simple fut repoussé par 271 voix contre 248, l’ordre du jour de confiance adopté par 262 voix (toutes républicaines, sauf Conrad de Witt) contre 237 (la droite, les nationalistes, Méline et ses amis, une trentaine de
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