laume avait fait voir à un officier autrichien un lot de documents qui provenaient de Dreyfus ; que d’autres officiers allemands avaient expliqué, dans une brasserie, à Dusseldorf, que tous les juifs d’Alsace étaient des traîtres ; que Dreyfus, de passage à Mulhouse, y avait été vu, « par un piqueur et dresseur de chevaux », sur le terrain de manœuvres « où il pointait des canons prussiens » ; qu’il avait eu une Bavaroise pour maîtresse (à Tours, où il n’avait jamais tenu garnison), et qu’à Bourges, à l’École de pyrotechnie, « il se faisait fabriquer par la caissière du cercle des sachets destinés à être portés sous la chemise et pendus au cou comme un scapulaire[1] ». Quesnay tenait, en outre, de l’un de ses témoins, que Faure avait eu en mains la « preuve formelle du crime de Dreyfus[2].
Quand il eut réuni trente-deux « honorables » témoignages de cette espèce, il écrivit à Carrière pour les lui offrir. Il s’attendait à être convoqué par dépêche ; la réponse tardant, il se lamenta « qu’il n’y avait plus de justice : « Notre malheureux pays est fini[3] ! » Il soupirait, depuis six mois, « après la brigade qui balayerait tout, sauverait un peuple qui aime l’armée et l’implore[4] », et les soldats eux-mêmes le repoussaient.
Le plus triste à dire, c’est qu’il avait dépendu seulement de lui (de son amour-propre, de son ambition et de son honnêteté) qu’il continuât à juger, à siéger, comme président de Chambre, à la Cour de cassation, sans être beaucoup moins fou.
L’article où il se plaignait de Carrière tomba sous