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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


par un arrêt de la Cour suprême, n’était pas plus libre de le modifier que de toucher à la loi en vertu de laquelle il rendait la justice » ; pourtant « qu’il y avait deux sortes de témoins dans tous les procès concevables, ceux du fait et ceux des présomptions », et que, dès lors, « il fallait entendre tout le monde » et « poser toutes les questions », sous peine de tomber au niveau « des juges immondes », Delegorgue et Mazeau[1].

C’était tout ce que demandait Mercier, avec Quesnay et Cuignet, tout ce que Waldeck-Rousseau avait essayé d’éviter : noyer les juges sous un déluge d’inventions et de racontars, hors de tout contrôle, où le bordereau disparaîtra.

Labori, qui se croyait toujours au procès Zola, quand presque toutes les conditions de la lutte avaient changé, se prononça dans le même sens que Clemenceau, « pour ne pas risquer, disait-il, de perdre la partie par pusillanimité », et la plupart des revisionnistes suivirent, « pour en finir définitivement[2] » ; quelques-uns seulement se rendirent compte de la faute, mais se crurent impuissants à l’empêcher. Ainsi, ce fut la défense, à défaut de Carrière, qui cita Lebrun-Renaud. Idée séduisante, évidemment, que de le confronter avec Dreyfus, de lui faire rentrer publiquement son mensonge dans la gorge ; mais c’était la brèche à l’arrêt, convenir qu’il ne suffisait pas

    Juif ». Selon Drumont, « la note gouvernementale semblait avoir été découpée dans la feuille à Reinach où Yves Guyot avait écrit : « L’arrêt est limitatif et le conseil de guerre est obligé de s’y conformer. »

  1. Mazeau était, au contraire, de l’avis de Clemenceau ; il se prononça pour le débat le plus étendu. (Écho du 26 juillet 1899.)
  2. « Il nous faut la grande lessive. » (Harduin, dans le Matin du 21.) — Les journaux nationalistes constatèrent que « la note du gouvernement avait un effet tout contraire à celui qu’elle semblait se proposer ; personne ne veut de cet étouffement, tant il paraît monstrueux ». (Gaulois du 22.)