Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE

La « ramasseuse » soupçonna la Millescamps de l’avoir « vendue » au « Syndicat » et fit partager sa crainte au service des renseignements qui avait continué à l’employer et, « si incroyable que cela puisse paraître[1] », toujours à l’ambassade d’Allemagne, où Munster et sa fille lui témoignaient toujours la même confiance. Elle avait peur encore d’être citée au procès de Rennes, « jurait qu’elle n’irait pas, même si on la faisait conduire par les gendarmes[2] ». D’esprit détraqué, elle s’affolait, même sans cause, perdait, cette fois, complètement la tête, devenait dangereuse. Le plus sage parut de la faire disparaître. La semaine qui suivit la visite de l’ancien agent de la Sûreté, elle renvoya un soir ses clés à la comtesse de Munster, avec un billet où elle racontait qu’elle venait d’être arrêtée, et se laissa emmener par le commissaire Desvernines, que nous avons déjà vu au service de Picquart et d’Henry, et qui était toujours détaché au bureau des renseignements ; il la conduisit dans la nuit, « pour le compte de la Guerre », au village de Marly où il avait loué pour elle sous un faux nom[3] ; et elle y séjourna pendant

  1. Procès Dautriche, 161, François.
  2. Ibid., 628, Desvernines.
  3. Je tiens ce récit de Puybaraud, peu après le procès de Rennes ; Sardou et le comte de Fiers, qui assistaient à l’entretien, en ont déposé, ainsi que moi, au second procès en revision. Sardou avait fait faire en outre une enquête sur le séjour de la Bastian à Marly. — Procès Dautriche, 509, 510, Cavard : « C’est un agent de la Guerre, Desvernines, qui a amené Mme Bastian avec un agent de la Guerre que je ne nomme pas, parce que ce n’est pas un agent officiel, à Marly… Desvernines me l’a déclaré par écrit… Il m’a dit : « C’est moi, pour le compte de la Guerre. » — Desvernines convient qu’il conseilla à la Bastian de quitter l’ambassade et qu’il la conduisit à Marly (629) ; cependant « elle ne fut jamais séquestrée ». — François raconte ces incidents à peu près de la même manière, mais proteste « qu’il ne fut pour rien » ni dans le départ de la