Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


à la façon des joueurs ; Déroulède y comptait d’autant plus qu’il l’avait eu, à Reuilly, contre lui, jusqu’au ridicule. Surtout, s’étant assuré, cette fois, du côté des royalistes, il calculait de prendre les parlementaires entre deux feux. L’idée ne lui vint pas une seule fois que le gouvernement connût autre chose que son complot en plein air et qu’il y eût dans son entourage immédiat, parmi les césariens les plus patentés, des agents appointés de la police qui la renseignaient au jour le jour[1]. On avait su ainsi son accord de plus en plus étroit avec Guérin, pour hâter le coup qui avait été décidé en juin, à la réunion du fort Chabrol ; ses instructions pour la fusion des sections de la Ligue des Patriotes avec celles de la Ligue antisémite[2] ; ses conciliabules, tantôt au bureau de la Ligue, tantôt chez des tiers, avec les principaux meneurs royalistes[3] ; et ses divers projets, toujours compromis par quelque indiscrétion dont il s’étonnait, d’arriver brusquement à Rennes et d’y prononcer un discours[4].

Waldeck-Rousseau n’aurait pas eu ces sources d’information qu’il ne se fût pas inquiété au même point des appels publics de Déroulède à la révolte des soldats. Beaucoup y voyaient seulement de la littérature et du tintamarre. L’axiome de César qu’il n’y a à se méfier que des silencieux détournait même des esprits attentifs de prendre au sérieux les déclama-

  1. Voir t. IV, 570.
  2. Haute Cour, 7 décembre 1899, Lépine. — Voir p. 183.
  3. Ibid., I, 32, 33, 37, rapport Hennion.
  4. Rapports des 8, 23 et 26 juillet : « Déroulède avait formellement recommandé de ne pas annoncer à la presse son départ pour Rennes. La note à ce sujet ne devait être communiquée que lorsque Déroulède serait arrivé. Il s’est montré très irrité de ces indiscrétions et en accuse Galli. On envoie Dubuc (de la Jeunesse antisémite) à Rennes. »