Chamoin, à la réflexion, sentit l’affaire mal enfournée Il ne devait pas recevoir de pièces d’un témoin[1], — surtout d’un témoin comme Mercier, à la fois accusateur et accusé ; — l’ayant reçue, il devait, sans en prendre connaissance, la remettre à Jouaust[2] ; ne la remettant pas à Jouaust, il ne devait pas la produire[3], et, la produisant, il devait la lire tout entière[4]. En conséquence, et tant par loyauté que par prudence, il finit par se dénoncer lui-même à Labori, le matin de la dernière audience à huis clos ; puis, sur le conseil qu’il en reçut, il raconta à la séance qui suivit que la note ne faisait pas partie du dossier et comment elle lui avait été remise par Mercier ; il en donna cette fois entièrement lecture et « s’excusa sur son ignorance des choses de la justice ». Mercier lui ayant alors réclamé la pièce, il refusa de la lui rendre, la remit à Jouaust[5], et en fit son rapport à Galliffet. Celui-ci, toujours gêné quand il s’agissait de Mercier, se contenta, quelques jours après, de faire venir Chamoin et de lui « laver la tête » : « Je vous couvre, allez-vous-en, ne recommencez pas[6]. »
La mentalité spéciale de Chamoin, qui apparaît si vi-
- ↑ Rennes, II, 224, Chamoin : « J’ai commis là une première irrégularité ; je n’ai aucun scrupule à le reconnaître. Je ne me suis peut-être pas assez préparé aux difficultés de la mission que j’ai à remplir ; j’agis franchement, simplement, et je dis tout. »
- ↑ Ibid., 225, Chamoin : « Si j’avais bien rempli ma mission… »
- ↑ « J’ai donc commis une deuxième erreur… »
- ↑ « J’avais commis une réelle faute, et je le reconnais très sincèrement et très loyalement, en demandant qu’on ne regardât pas la deuxième et la troisième pages… »
- ↑ Sur une deuxième réclamation écrite de Mercier.
- ↑ Procès Dautriche, 649, Galliffet ; Rennes, II, 229, Chamoin : « L’incident aux yeux du général de Galliffet n’a aucune importance et il a bien voulu approuver ma conduite à ce sujet. »