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RENNES


vement dans cet incident, se manifesta également au cours du long commentaire qu’il fit du dossier secret de la Guerre. Au contraire de Paléologue, qui expliqua celui des Affaires étrangères avec sa netteté coutumière et attesta sans ambages la loyauté de Munster et de Tornielli, le délégué de Galliffet s’appliqua à tout atténuer, à laisser planer des doutes sur la valeur de tant d’informes chiffons, que les juges ne regardaient encore qu’avec respect et une manière de crainte sacrée, et surtout à couvrir tous les chefs qui avaient eu recours aux faux avérés d’Henry. Après s’être fait le commissionnaire de Mercier, il se fit ainsi l’avocat d’office de l’ancien État-Major, si bien que de Mercier à Lauth et à Cuignet tous allaient arriver intacts à la barre, avec le prestige de leurs galons et des situations qu’ils avaient occupées ou qu’ils occupaient encore. Il était en droit de ne pas se porter leur accusateur, mais à condition de ne rien laisser subsister des déductions niaises ou perfides qu’ils avaient tirées de ces pièces stupides ou falsifiées, écartées comme telles par la Cour de cassation et rejetées avec plus de mépris encore par Galliffet qui n’avait pu regarder à cette paperasse « sans pouffer de rire[1] ». L’enquête de la Chambre criminelle continua, dès lors, à rester suspecte aux yeux des membres du conseil de guerre. Les juges civils avaient eu leur opinion ; ils auraient la leur qui ne serait pas, au surplus, très différente de celle de Chamoin, muet sur l’opinion de son ministre, alors qu’il passait pour son interprète, et affirmatif seulement sur les faux dont Cuignet lui-même était convenu et sur la dépêche de Panizzardi.

Comme aucune question ne lui fut posée ni sur les lettres de l’Empereur allemand ni sur le bordereau

  1. Procès Dautriche. 649, Galliffet.