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RENNES


tous, quoi qu’il en soit, contribuèrent à accréditer que Galliffet avait défendu de dire publiquement le mot de l’énigme, le mot décisif et libérateur, celui qui illuminerait tout ce qu’il y avait dans l’affaire de contradictoire et d’obscur, et que Mercier hésitait devant cet ordre du ministre de la Guerre. Les appels, les sommations de parler, qui avaient recommencé avec une force croissante à la veille du procès, continuèrent donc, roulèrent comme des décharges d’artillerie, pendant les journées qui précédèrent la reprise des audiences publiques : « Violez le secret professionnel, clamait Quesnay, ne vous en tenez pas au dossier, messieurs les généraux, livrez le côté mystérieux de l’Affaire[1]. » De même Rochefort, qui ne voulait pas que « Rennes complétât Sedan[2] », et Barrès, les moines de la Croix, Coppée qui savait de source sûre qu’« il y avait, au fond du dossier, un fait à divulguer, un nom à dire tout haut, qui serait la cause d’une guerre[3] » ; mais la guerre valait mieux que la honte, « parce que la France, courant aux épées, acclamerait le plus brave pour lui confier son armée, son drapeau, tous les pouvoirs » ; et tel était aussi l’avis de Drumont et de Déroulède. Le premier, dans une lettre ouverte à Mercier, lui signifia « les ordres de la Patrie », qui étaient de « sauver le drapeau » en révélant enfin toute la vérité[4] ; l’autre, dans une dépêche à son ami Galli qu’il avait envoyé à Rennes, mit le général en demeure « de ne plus rien taire de ce qui devait être utilement dit » : « Dites-lui bien qu’il n’est

  1. Écho du 6 août 1899 : « Il faut divulguer tous les secrets de 1894… »
  2. Intransigeant du 9.
  3. Gaulois du 8.
  4. « Mon général, parlez ! parlez !… Ne pensez qu’à sauver le drapeau. La France écoute. » (Libre Parole du 11.)
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