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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


C’était cette lettre, écrite dans la fièvre, que Casimir-Perier avait sur le cœur, depuis qu’Alphonse Humbert l’avait publiée avec le rapport de Deniel sur « les agissements de Dreyfus à l’île du Diable[1] ». Il l’avait interprétée de la façon la plus étroite, — « qu’il aurait échangé sa parole, étant Président de la République, avec un officier accusé de trahison[2] », — et, bien que j’eusse donné aussitôt la clef de l’erreur, en racontant la démarche de Waldeck-Rousseau et la mienne à l’Élysée, la réponse qui nous avait été faite et ce que Demange, « par bonté d’âme », y avait pu ajouter d’espoir dans ses entretiens avec Dreyfus[3], il s’était buté à ne pas comprendre qu’une telle infortune, après quatre années de martyre, ne pesât pas les termes comme un notaire. Il n’avait jamais su mépriser la presse ; les articles des nationalistes sur « ses négociations » avec Dreyfus l’écorchèrent au vif. Sa susceptibilité, pour le dernier goujat de plume qui l’éclaboussait, avait quelque chose de pathologique. Et, maintenant, il réclamait, « exigeait », des explications immédiates sur ce prétendu engagement « qu’il n’aurait pas tenu et qu’il ignorait » ; non pas qu’il eût été ému pour lui de la lettre de Dreyfus où il en était question, a mais pour l’honneur de la magistrature qu’il avait occupée et pour la République[4] ».

    trop légitimes, M. le Président de la République me fit répondre par l’intermédiaire de Me  Demange qu’il se confiait à ma parole et qu’il demandait la publicité des débats. Elle ne fut cependant pas accordée. Pour quels motifs ? Je l’ignore. Cette parole… etc. » (24 novembre 1898.)

  1. Éclair du 15 avril 1899. — Voir p. 48.
  2. Rennes, I, 66, Casimir-Perier.
  3. Siècle du 16 août. (Crépuscule des Traîtres, 401 à 404 ; l’article est intitulé : Res sacra miser.)
  4. Rennes, I, 66, Casimir-Perier.