Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


gations de Roget et de Cavaignac sur les pièces secrètes et les notes du bordereau, il sait que la plupart des officiers, loin de s’étonner de ces redites, s’applaudiront de cet accord de tous les grands chefs et que cet accord même leur sera une preuve de plus contre Dreyfus.

Alors même qu’une parcelle d’esprit critique serait restée dans ces cerveaux disciplinés, les plus hardis s’attaqueraient seulement aux raisonnements et aux déductions de Mercier ; les faits et les documents qu’il produit ne sauraient être controuvés ou apocryphes. Or, presque tous le sont, tantôt des faux, encore inconnus, d’Henry, tantôt d’insolents mensonges, d’une telle effronterie qu’ils paraîtraient ailleurs des gageures. — Henry a postdaté du 30 novembre 1897, le brouillon d’un rapport que l’attaché militaire autrichien, Schneider, avait adressé à son État-Major à une époque où il était encore incrédule à l’innocence de Dreyfus[1] ; l’Autrichien étant devenu par la suite aussi affirmatif sur Esterhazy que s’il l’avait eu lui-même à ses gages, Mercier atteste que la fausse date, qui est le principal intérêt de la pièce, est exacte[2]. — La lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen, sur l’organisation militaire des chemins de fer, qu’Henry, comme je l’ai raconté, avait faussement datée d’avril 1894[3], n’était arrivée à l’État-Major qu’en 1895, le 28 mars, alors que Dreyfus était déjà à l’île du Diable et que Mercier n’était plus ministre ; il déclare qu’il l’a fait communiquer au colonel Maurel,

  1. Voir t. III, 48.
  2. Rennes, II, 76 : « Quelle est la date de cette pièce ? — Mercier : 30 novembre 1897. » Dans son compte rendu revisé, Mercier supprime la question de Jouaust et sa réponse. — J’ai établi (III, 49) que la date du 30 novembre 1897 n’était même pas celle de l’entrée du brouillon de Schneider au service des renseignements, attendu qu’Henry l’avait fait voir, dès le 17, à Paléologue.
  3. Cass., IV, 223. — Voir t. IV, 475.