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RENNES


avec les autres pièces du dossier secret, le 21 décembre 1894, trois mois avant qu’elle eût été écrite[1]. — La livraison des plans directeurs aux attachés étrangers a commencé bien avant l’arrivée de Dreyfus à l’État-Major ; ces documents étaient payés 10 francs pièce ; une note, interceptée, de Schwarzkoppen désigne son fournisseur sous les initiales D. B. ; et ce misérable trafic a continué, sans interruption, jusqu’en ces dernières années[2] ; il sait tout cela, s’en tait et affirme, ce que Cavaignac et Cuignet eux-mêmes ont renoncé à sou-

  1. Rennes, I, 81, Mercier : « cette lettre de Panizzardi est du commencement de 1894. » 99 : « Je mis sous un pli cacheté les pièces secrètes dont je vous ai donné communication. » 483 (en réponse à Demange qui lui a demandé d’énumérer les pièces secrètes) : « Vous aviez le billet dans lequel l’attaché militaire italien disait qu’il allait avoir l’organisation des chemins de fer français. » — On peut admettre que Mercier, quand il eut connaissance de la pièce des chemins de fer, soit à l’époque de l’enquête de la Chambre criminelle, soit à la veille du procès de Rennes, ait été trompé, lui aussi, par la fausse date d’Henry. Aucune erreur de mémoire ne peut expliquer sa déclaration qu’il a eu entre les mains en 1894 une pièce de 1895 et qu’il l’a communiquée aux juges de Dreyfus. — Il applique également à Dreyfus la lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen où l’initiale D… a été récrite par Henry (de l’aveu même de Bertillon et de Cuignet) sur un grattage, mais ajoute cette fois « qu’il n’a pas connu cette lettre » pendant qu’il était ministre (I, 83). — J’ai toujours supposé que la date inscrite par Henry sur cette pièce (mars 1894) était un faux. (Voir t. II, 388.) Si, cependant, la date était exacte, c’est-à-dire si la pièce a été réellement interceptée à l’époque où Mercier était ministre, il faudrait en conclure qu’il n’en a pas fait usage contre Dreyfus, en 1894, parce qu’elle portait encore, de son temps, l’initiale P. Il aurait su, dès lors, à Rennes (ce qui ne fut établi qu’en 1904) que le D avait été récrit sur un P, et n’en aurait pas éprouvé plus de scrupule pour profiter de cet autre faux d’Henry et appliquer la pièce à Dreyfus.
  2. Voir t. Ier, 30. — En 1897, lettre de Schwarzkoppen mentionnant l’envoi de cinquante plans directeurs de Calais et de cinq plans de Mézières. (Cass., IV, 27, rapport Boyer.)