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RENNES


ancien colonel de Villebois-Mareuil, qui avait quitté l’armée avec l’ambition de jouer un rôle politique, « rêvait d’un projet singulier et hardi, d’un coup de légionnaire[1] », et que nous avons déjà vu dans les conciliabules du Fort Chabrol[2], la séduction même et, de plus, le propre cousin du commandant. Chaque soir, durant un mois, Villebois va essayer de « remonter » Bréon, c’est-à-dire de le faire renoncer à « sa distinction entre croire et savoir », et de lui montrer dans l’acquittement du juif une défaite, non seulement pour l’armée, mais pour l’Église[3].

La consigne au gros des journalistes fut de chanter victoire : « Qui avait parlé d’un coup de massue ? Mercier a fait une démonstration mathématique de la culpabilité de Dreyfus. Il a tout dit[4]. » Mais, en même temps, le Gaulois publia une lettre ouverte au général : « Dans votre déposition vaillante, loyale, irrésistible, vous avez dit une grande partie de la vérité ;

  1. Syveton, Écho de Paris du 10 avril 1900 : « Il me confia ce projet, bien qu’il dût l’exécuter seul. »
  2. Voir p. 183.
  3. Barrès, 213 : « Presque chaque soir, le colonel de Villebois s’occupait à le remonter. » — De même Syveton : « Dans le petit salon de l’hôtel, assis sur un canapé de velours vert, à côté du commandant X… qu’il exhortait, sa tête énergique penchée vers la figure indécise et angoissée de son interlocuteur, il disputait, disait-on, ce juge à son confesseur et ne l’empêcha pas de voter l’acquittement. » (Écho du 10 avril 1900.) — Jaurès, dans son discours du 7 avril 1903, ayant rappelé « cet épisode de la vie du colonel de Villebois-Mareuil », Syveton l’interrompit : « M. de Villebois-Mareuil n’avait pas entrepris une campagne de catéchisation sur M. de Bréon, mais il m’a dit : « C’est étonnant comme mon cousin est orienté vers le dreyfusisme par son propre confesseur, et nous discutions là-dessus ensemble. »
  4. Éclair du 13 août 1899 ; Petit Journal : « Le général Mercier avait juré de tout dire, il a tout dit. » De même le Journal, la Patrie, l’Écho.