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RENNES


Renaud, le général Gonse déposeront devant vous… J’ai accepté ce que disait M. Casimir-Perier que c’était la soirée du 6 ; je n’ai pas de souvenirs précis… (en ce qui concerne la date). Que faisais-je dans cette soirée à l’Élysée ? J’y étais comme ministre de la Guerre. « Sur quoi, Casimir-Perier, d’une colère croissante : « Je n’ai parlé d’aucune soirée, moi ; le général Mercier n’a pas à accepter ce que j’ai dit d’une soirée… J’affirme l’exactitude absolue de ma mémoire… Je ne veux pas que mes paroles soient dénaturées, cinq minutes après que je les ai prononcées… » Et tout le temps, les formules les plus dures, comme à un ancien domestique : « Le général Mercier, que j’avais nommé ministre de la Guerre, n’avait pas à intervenir dans les questions diplomatiques ; s’il y était intervenu, je l’aurais rappelé à son devoir… Le général Mercier, étant mon subordonné, n’avait qu’à obéir aux ordres qu’il recevait de moi… S’il y avait eu des complications, il aurait reçu des ordres de moi… » Mais autant souffleter un masque de bronze. Mercier reste impassible ; seules, ses mains frémissantes, comme nouées derrière le dos, décèlent son trouble, pendant que son regard oblique, l’amertume de son rictus, disent aux juges : « Voilà comment on traite les soldats ! »

Accoutumé à parler à la raison et à ce qu’on le croie sur parole, Casimir-Perier n’a pas songé à se munir de preuves matérielles : l’agenda où il a écrit au jour le jour les incidents de sa courte présidence ; l’attestation des amis qui ont passé avec lui cette soirée du 6 janvier, non pas à l’Élysée, dans l’inquiétude, mais chez sa mère, dans la paix de l’intimité familiale[1]. Le résultat, d’ailleurs, eût été le même. Dès que Mercier est

  1. Avec Rambourg et Montalivet. (Récit de Casimir-Perier).