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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


chassé d’une date, il lui suffit de se replier sur une autre et sans plus s’y attacher qu’à la précédente, parce que sa loyauté lui défend d’attester autre chose que ce qui est resté sûrement dans sa mémoire, c’est-à-dire — hors des temps — le fait lui-même, l’ultimatum impérial. Il allègue ses ordres à Boisdeffre, preuve que, le jour où Casimir-Perier a donné audience à Mercier, la guerre était en vue. Demange : « J’ai lu dans la procédure[1], aux dépositions du général Gonse et de M. Cavaignac, que M. de Boisdeffre était absent le 6 janvier. — Alors, c’est que la soirée n’aurait pas eu lieu le 6[2]. »

Jouaust certainement, peut-être de Bréon, eurent la sensation aiguë que ce grand chef mentait ; les autres juges, les officiers qui se pressaient dans la salle, se persuadèrent sans peine que c’était Casimir-Perier.

Il y a un personnage de l’Affaire dont le nom n’y est nulle part et l’action partout : c’est ce sorcier des contes arabes « qui, brusquement, peut faire aux yeux de tous d’une chose une autre chose[3] ».

Demange prie Mercier d’expliquer par quelle étrange relation de cause à effet les faits qui se seraient passés dans la journée du 6 janvier 1895 l’ont décidé (aux termes de sa déposition de l’avant-veille) à faire une communication secrète le 22 décembre 1894. « Effondrement de Mercier, écrit Clemenceau ; jamais men-

  1. Voir t. Ier, 546 à 548.
  2. Rennes, I, 156 : « Demange : Comment cela se concilie-t-il ? — Jouaust : M. de Boisdeffre était-il présent le 6 ? — Mercier : Il était certainement à Paris ce soir-là ; il en déposera lui-même. Quant à la date du 6, je vous ai dit que j’acceptais cette date, mais je n’ai pas un souvenir précis à cet égard… — Demange : Je prierai seulement le conseil de retenir cette date du 6 janvier et la déclaration du général Mercier que le général de Boisdeffre était à Paris. — Mercier : Nous verrons. »
  3. Les Mille Nuits et une Nuit (Édit. Mardrus, II, 149).