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RENNES


seulement Guérin, qui brouilla le peu dont il se souvenait, et Hanotaux, qui eût préféré n’être pas là et chercha d’abord à s’en tenir à sa déposition devant la Chambre criminelle. Jouaust lui ayant objecté que « les membres du conseil n’avaient pas en droit connaissance du dossier », il refit le récit de son rôle à l’époque du premier procès et, pour qu’on ne le suspectât pas de se targuer après coup d’avoir été le seul des ministres d’alors à s’opposer aux poursuites, il sortit la copie d’une note qu’il avait rédigée, le 7 décembre 1894, sur son conflit avec Mercier et qu’il avait déposée aux archives. Toute sa clairvoyance y apparaissait, — ainsi que la fragilité du procès, engagé sur le seul bordereau[1], — mais, aussi, toute sa faiblesse, sa fuite dans l’ignorance systématique de l’Affaire elle-même, afin de n’avoir pas à répondre en connaissance de cause aux questions pressantes des ambassadeurs allemand et italien[2], et de se persuader que, s’il y avait erreur ou crime, il n’y était pour rien. Sur ses entretiens avec Munster dont il n’aurait rien dit à Casimir-Perier, il proteste qu’il les a relatés « à qui de droit[3] », c’est-à-dire à Dupuy. Des déclarations qui lui ont été faites par Munster et par Tornielli, au début de la campagne de Scheurer pour la Revision, pas un mot.

Qu’un homme qui avait occupé de si hautes fonctions et participé si étroitement à une telle crise n’eût pas d’avis sur le fond de l’Affaire, ou s’appliquât à ne pas prononcer une parole qui permît de pressentir son opinion, cela parut si étrange que Jouaust essaya de le

  1. Rennes, I, 220, Hanotaux : « Cependant, on n’alléguait aucun document autre que celui cité précédemment. »
  2. Voir t. Ier, 255.
  3. Rennes, I, 221, Hanotaux. — Voir t. Ier, 256.