Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pousser[1]. Mais il se déroba, ce qui était son droit étroit de témoin, car les témoins ne sont tenus de déposer que sur des faits, et sans souci que cette nouvelle fuite dans le silence fût interprétée contre Dreyfus.

Demange, à son tour, tenta de l’acculer à libérer sa conscience.

Il ne lui demanda pas son opinion sur l’innocence ou la culpabilité de Dreyfus, parce qu’un refus de répondre fût retombé plus lourdement encore sur le malheureux, mais l’invita seulement à s’expliquer sur la dépêche de Panizzardi. Occasion pour Hanotaux, non seulement d’attester à son tour que la traduction de ses anciens subordonnés est exacte, mais encore que la véracité des attachés militaires dans une affaire de cette importance, celle des ambassadeurs qui ont ajouté leur parole à celle de leurs officiers, défient le soupçon. Du coup, il détruisait les derniers mensonges de Mercier, retrouvait ses amis d’autrefois qui ne s’étaient séparés de personne avec plus de regret.

Mais Hanotaux ne vit qu’une chose : c’est qu’à dire ce que Demange attendait de lui, il se condamnait lui-même, et il se borna à confirmer ce qu’il avait dit à la Cour de cassation : qu’il avait connu la dépêche, qu’elle ne lui avait point paru avoir une sérieuse importance, et qu’il n’avait aucun souvenir d’en avoir parlé à Mercier[2].

  1. Rennes, I, 225, Jouaust : « Vous ne vous êtes pas prononcé (dans vos conversations avec Monod) sur la question de l’innocence ou de la culpabilité de Dreyfus ? Vous n’avez parlé que de l’opportunité des poursuites ? ». — « Je me permettrai seulement, répond Hanotaux, de vous lire ce passage d’une lettre de M. Monod… » Suit une lettre où Monod prévient Hanotaux que, s’il écrit jamais « quelque chose » sur l’Affaire, il lui soumettra son travail.
  2. Ibid., I, 225, 226, Hanotaux.