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RENNES


timent des crimes publics est différé de jour en jour jusqu’à rassurer pleinement toutes les scélératesses, quand l’opinion s’établit qu’on peut tout se permettre et que le gouvernement reculera toujours, pourquoi attendre de sept officiers pris au hasard l’héroïsme, dont on ne leur donne pas l’exemple, de respecter simplement la loi[1] ? » — D’autres demandaient seulement que Chamoin fût remplacé, « pour avoir essayé d’introduire une pièce fausse dans le dossier », et que Jouaust et Carrière fussent invités à ne pas tolérer les perpétuelles interventions des généraux, principalement de Mercier et de Roget, leur prétention de mener l’audience, alors que les témoins à décharge étaient régulièrement invités à abréger ou à se taire. Un jour que Picquart demandait la parole pour une simple observation personnelle : « Encore ! » s’était écrié Jouaust[2]. Si quelqu’un s’avisait de faire allusion aux débats de la Cour de cassation, il l’interrompait brusquement : « Nous n’avons pas à nous occuper du rapport de M. Ballot-Beaupré, ni de ce qu’a pu dire un magistrat dans une autre enceinte[3]. » Carrière était le plus souvent silencieux, l’air d’un grand oiseau triste sur son perchoir, qui sursaute, de temps à autre, d’un mouvement saccadé. Mais s’il intervenait, c’était comme le commissaire de Mercier.

Quand des « dreyfusards », alarmés par les lettres qu’ils recevaient de Rennes, ou par la lecture des journaux, portaient ces objurgations et ces plaintes à Galliffet, il les rassurait ou les inquiétait davantage (selon la mentalité de ses visiteurs) par des hâbleries : « J’ai toujours eu de la chance, j’en aurai encore cette fois…

  1. Aurore du 27 août 1899.
  2. Rennes, I, 659. — De même I, 469, 473, 563, etc.
  3. Ibid., II, 460, Jouaust.
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