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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


leurs inquiétudes, pendant que des accès révolutionnaires reprennent Jaurès : « Quelle autre chance de salut, disait-il, que par les moyens violents[1] ? » D’autres fois, une nouvelle condamnation lui paraissait quelque chose comme « une impossibilité physique ».

À l’ordinaire des veilles de défaite, plusieurs accusaient l’inaction du gouvernement.

Thème constant de Labori, discourant après l’audience dans son jardin, « parlant aux oiseaux », passant, selon son succès ou son insuccès du jour, de l’extrême confiance à l’extrême abattement : Comment Galliffet n’a-t-il pas pris encore des mesures contre Mercier, frappé Cuignet et Roget ? « Il faut que le gouvernement tire de chaque séance les conclusions qu’elle comporte[2]. » — De même Clemenceau, à Paris : « Comment le gouvernement peut-il permettre que Mercier, couvert de crimes, suivi de toute sa bande, dise, du haut de ses plumes d’autruche, au simple colonel qui préside le conseil de guerre : « Entre ce juif et votre général, choisissez », ou qu’il déclare « lui, ancien ministre de la Guerre, que l’Empereur d’Allemagne est à la tête de l’espionnage international ?… Il cherchait ainsi, manifestement, à nous jeter dans des complications extérieures. Quel plus grand crime contre la patrie ?… Évidemment, ce n’est pas la faute du gouvernement si les criminels aux abois tentent de susciter des conflits internationaux grâce auxquels ils voudraient se faire oublier. Mais c’est sa faute s’il le tolère… Quand le châ-

  1. Chevrillon, loc. cit.Petite République du 27 août 1899 : « Il ne resterait plus à la France contre l’irrémédiable chute morale et l’abêtissement définitif d’autre ressource que la révolution. »
  2. C’est textuellement ce que Labori me fit écrire par Victor Basch (22 août). Il insiste notamment sur le cas de Cuignet (pour sa diatribe au sujet de Schneider).