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RENNES


suivre les comparses[1] : qui n’y verrait le dessein grossier d’affaiblir leurs témoignages ? — Clemenceau s’indigne que Mercier ait mis l’Empereur allemand en cause comme le chef des espions de son pays. Grand scandale, en effet ; seulement, l’offense publique envers les chefs d’État étrangers ne peut être poursuivie qu’à leur demande[2], et l’Empereur, qui, lui aussi, a ses agités, leur a imposé silence[3]. — Clemenceau signale encore, comme une autre matière à poursuites, « que les puissances étrangères ont appris, de la bouche même des officiers de l’État-Major, que certains papiers des ambassades avaient été dérobés et qu’une muraille avait été truquée pour permettre d’entendre certaines confidences[4] » Or, la muraille a été « truquée » par Picquart et toutes ces histoires de papiers volés sont connues de longue date. — Non, le gouvernement n’ignore pas « la réalité profonde du drame de Rennes », mais il veut respecter sa parole et la loi. Son opinion sur Dreyfus n’est-elle pas assez connue ? Pas de jour où Drumont, les gens de Mercier, ne l’appellent « le ministère Dreyfus ou le ministère Reinach », ne reprochent à Galliffet son amitié pour Reinach et pour Picquart. Le moyen de complaire au pouvoir, jamais tribunal militaire ou civil n’en a été mieux instruit. Au surplus, chaque fois que Demange ou Mathieu Dreyfus

  1. La lettre de Lebret à Deschanel visait seulement la communication des pièces secrètes ; mais les autres crimes dont Mercier était accusé (usage de faux, destruction d’actes et de titres) devaient nécessairement être considérés comme connexes de la forfaiture.
  2. Loi du 29 juillet 1881, art. 47, § 3.
  3. Le jour où la déposition de Mercier fut comme à l’ambassade d’Allemagne, l’un des secrétaires annonça que ce serait la guerre : « Da giebt’s Krieg. » Je tiens l’anecdote du prince de Munster.
  4. Aurore du 27 août 1899.