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RENNES


rection » deux coups de revolver ; les camarades le prirent à bras le corps, le ramenèrent à l’intérieur[1]. Jusque fort avant dans la nuit, la foule débordait, une foule criarde qui fût aisément devenue mauvaise, — beaucoup de filles et de souteneurs en goguette, — et que les agents et les soldats avaient peine à contenir.

Le dimanche 20 août, cinquième jour du siège, les « libertaires » convoquèrent leurs amis à manifester place de la République « en faveur de la Vérité ![2] ». Il y eut là deux troupes en face, les anarchistes et les antisémites, se menaçant, poussant des cris également ignobles : « À bas la calotte ! » et « Mort aux juifs ! » La police les empêcha tout juste d’en venir aux mains, arrêta Sébastien Faure et plusieurs de ses compagnons, mais arriva trop tard à l’église Saint-Joseph, envahie par une bande de jeunes malandrins qui brisèrent les autels et les vitraux, fracturèrent les troncs, entassèrent les chaises et les bancs au milieu de la nef et en firent un feu. L’ordre à peine rétabli du côté des anarchistes, il fallut courir aux antijuifs et nationalistes qui se portaient en nombre vers le fort Chabrol[3]. La bataille de la rue, la plus furieuse depuis vingt ans, dura plusieurs heures. Assaillis à coups de pierre, les agents ripostèrent rudement[4]. Une centaine de blessés,

  1. 26 août 1899. — Haute Cour, IV, 32, rapport des sous-brigadiers Lebrun et Gaudinot ; 34, mandat d’arrêt du juge Fabre pour tentative d’homicide ; 60, rapport de l’expert Gastine-Renette : « La balle (recueillie) appartient à des munitions de la catégorie pour tir réduit » ; V, 73, mémoire des avocats de Guérin contestant que les cartouches continssent un projectile ; 161, acte d’accusation ; séances des 20, 21 novembre 1899, etc., interrogatoire de Guérin : « J’ai tiré à blanc » ; dépositions de Gastine-Renette, Buvat, Santenac, etc.
  2. Journal du peuple du 20 août.
  3. Haute Cour, VII, 16, Lépine : « 5 à 6.000 manifestants ».
  4. Ibid., 7 décembre 1899, Lépine ; journaux des 21 et 23 août.