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RENNES

XVII

À Rennes, les dépositions continuaient.

D’abord, les experts, pendant plusieurs audiences, professionnels et « chartistes », qui maintinrent leurs conclusions antérieures[1], à l’exception de Charavay ; il était mourant, confirma avec d’autant plus de force sa tardive rétractation[2] : « Ayant trouvé un nouvel élément d’écriture, j’ai reconnu que j’ai été abusé, en 1894, par une ressemblance graphique et c’est pour moi un très grand soulagement de conscience de pouvoir le déclarer devant vous et, surtout, devant celui qui a été victime de cette erreur. » (Sa voix, tout son vieux corps tremblaient, mais, maintenant, il s’endormira, s’en ira sans remords.) D’ailleurs, nulle question moins compliquée : « Il suffit de comparer les deux écritures à celle du bordereau, la chose saute aux yeux ; il suffit du simple bon sens[3]. »

Mais précisément, c’est au bon sens, aux explications simples, à la vision claire des choses, que ces cerveaux et ces prunelles militaires sont devenus réfractaires. Ces yeux sont atteints de daltonisme ; quand ces esprits

  1. Gobert déposa le premier, le 25 août 1899, puis Alphonse Bertillon, qui continua le 26 ; le même jour Valério, Paraf-Javal et Bernard ; le 28, Teyssonnières, Charavay, Pelletier, Couard et Varinard ; Belhomme, le 29 ; le 30, Paul Meyer, Molinier et Giry ; le 3 septembre, Painlevé donna lecture de la lettre d’Henri Poincaré, sur le système de Bertillon. La déposition d’Havet (du 2) porta principalement sur « la terminologie » d’Esterhazy et de Dreyfus, la syntaxe « allemande » d’Esterhazy, l’irréprochable correction grammaticale de Dreyfus : « Il a écrit des phrases qui sont des modèles au point de vue de style. »
  2. Voir p. 56.
  3. Rennes, II, 466, Charavay.
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