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RENNES


pas à les concilier. Je répète la phrase et c’est fini. » Quand il dit « qu’il n’avait pas eu le temps de parler des aveux à Casimir-Perier », Beauvais lui-même laissa échapper que « c’était fâcheux[1] ».

Guérin, avant de venir à Rennes, étant allé voir Saussier, lui rappela leur conversation, du jour même de la parade, et ce que le vieux général lui avait dit : que les aveux concordaient mal avec l’obstiné cri d’innocence. Saussier le pria de ne point parler de lui, toujours ennuyé d’avoir connu Esterhazy et Weil. Guérin, comme tous ceux qui l’avaient approché, lui était resté très dévoué, pour rien au monde n’aurait voulu lui causer des désagréments.

Ce mot de Saussier eût illuminé l’audience.

Cependant le terrain était si mauvais que Gonse, Mercier lui-même, battirent en retraite. Mercier « n’a pas pensé » à faire fixer les aveux de Dreyfus, Gonse à les objecter à Picquart, — c’est-à-dire que la légende était encore dans le devenir, à peine ébauchée.

Seul, Roget tenta une offensive, mais oblique. Forzinetti ayant déposé que d’Attel, son ami de vieille date, avec qui il s’était entretenu souvent de Dreyfus, ne lui avait jamais parlé des aveux, Roget lui demanda s’il savait où d’Attel avait logé à Paris. Comme le commandant ne le savait pas ; Roget triompha, dit que d’Attel ne lui avait jamais parlé de Forzinetti. Par contre, Lebrun convint d’avoir dit à Forzinetti que Dreyfus n’avait pas avoué.

Dreyfus intervint à plusieurs reprises, confirma le récit de Forzinetti sur la hantise qui lui était venue, après sa condamnation, de se tuer. C’est sa femme qui lui a ordonné d’aller au supplice, « la tête haute », de

  1. Rennes, III, 73 à 112. (31 août 1899.) — Risbourg avait déposé précédemment. (II, 232.)