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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


prêtée à Esterhazy, explique « qu’il n’y a pas corrélation indispensable entre cette réglette et le Manuel de tir[1] ». — Et tout cela pris aussitôt avec un empressement extrême par les juges. Jouaust, qui a laissé Mercier mettre en cause l’Empereur allemand, bouscule Picot pour avoir nommé l’attaché autrichien, Bruyerre et le capitaine Carvallo pour avoir démenti Lerond sur le prétendu secret du matériel de 120[2] ; Brogniart et Beauvais malmènent Bernheim. Labori : « Il faut bien que le conseil sache quel est le rôle d’Esterhazy. » Jouaust : « Soyez bref ! »

De Londres, Esterhazy suivait les débats de Rennes avec beaucoup d’attention, tantôt s’amusant des imbéciles qui imputaient encore son crime à Dreyfus, tantôt s’échauffant contre les généraux qui le « lâchaient » ; il les avisait alors « qu’il avait toujours été un tireur de riposte[3] » et harcelait Roget de lettres où l’annonce qu’il allait sortir ses documents alternait avec de monotones injures.

Que voulait-il exactement ? Comme il écrit que le manque d’argent est la seule cause de son absence, il est à croire que son unique objet est de tirer un dernier subside (avant que le dénouement de la tragédie, quel qu’il soit, l’ait rendu définitivement inoffensif). D’autre part, il souhaitait avec violence la recondamnation de Dreyfus, le haïssait cent fois plus qu’il n’en était haï.

Il s’appliqua, finalement, à faire de son mieux le jeu de Mercier.

Roget, après avoir lu la première épître qu’il reçut de lui, s’était empressé de la faire tenir à Jouaust :

  1. Rennes, II, 113, Lerond ; 255, Roget ; III, 245 et 523, Mercier.
  2. Ibid., III, 144, Bruyerre ; 153, Carvallo.
  3. Matin du 12 août 1899.