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RENNES


« Il n’a jamais eu, dit-il, de relations avec le commandant, n’a pas envie d’en avoir[1] » et « ne veut pas se laisser compromettre[2] » ; et il remit pareillement les suivantes, « sans même les ouvrir », « dès qu’il les reconnaissait à l’écriture ».

Labori, ayant eu vent de ces lettres dont Roget convint sans le moindre embarras, les fit verser aux débats[3], mais n’en put rien tirer. Celles qu’il fit lire à l’audience tombèrent à plat[4] ; dans toutes, rien que des gros mots, des fureurs contradictoires qui s’annulaient : Bertillon est « un dément », mais Paraf-Javal qui l’a réfuté est un « idiot » ; les généraux, « Mercier excepté, le seul de vous qui soit crâne », sont des lâches, Boisdeffre un « insensé », Roget un « bourreau », « l’assassin d’Henry », et tous leurs journalistes, Rochefort, Sabatier, « des gueux », « des brutes », « une bande stupide de sales juifs » ; mais Dreyfus, lui aussi, est un « infâme » et « il voudrait fusiller les juifs jusqu’au dernier » ; enfin, tantôt « il veut éviter de frapper à la tête l’armée que les siens ont illustrée », tantôt, las de sa duperie de « chien fidèle », crevant de fièvre et de faim, « il va envoyer à Demange des documents qui ne feront pas rire l’État-Major[5] ».

  1. Lettre de Roget à Jouaust du 21 août 1899.
  2. Rennes, III, 392, Roget. — Cette première lettre d’Esterhazy est du 19 août,
  3. Esterhazy avait télégraphié à Serge Basset pour lui demander l’adresse de Roget à Rennes ; le journaliste en informa Labori qui le lui fit répéter à la barre.
  4. Rennes, III, 393 et 597. — Esterhazy, dans sa déposition à Londres, n’en dit pas moins que ses lettres à Roget furent étouffées. (117.)
  5. Lettres à Roget du 19 et du 21 août. (Dép. à Londres, 120, et Rennes, III, 597). — Parmi les journalistes, il en voulait surtout à Rochefort : « L’esprit de celui-là, c’est comme le cheval que le grand homme montait à Marengo ; cet animal était extrêmement brillant en juin 1800… »
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