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RENNES


nouveau faux se condensait quelque part, dans l’atmosphère de mensonges, éclaterait avant le dénouement.

Seulement, l’imposteur, cette fois, n’eut pas l’envergure d’Henry et l’épisode reste obscur, enchevêtré à d’autres qui ne le sont pas moins.

Il y avait à Paris, depuis 1895, un ancien officier autrichien, du nom de Cernuski[1], de famille bohémienne, qui se donnait comme descendant d’une dynastie serbe du dixième siècle (le kniaze Lazare et son fils Étienne Lazaréwitch), l’avait persuadé à quelques dupes et s’était fait épouser par la fille d’un fils naturel du comte Sérurier (le fils du maréchal), malgré l’opposition des parents de la demoiselle[2]. C’était proprement un escroc et qui suait l’aventurier par tous les pores ; au surplus, d’esprit détraqué, fils d’un père usé avant l’âge, qui finit dans la paralysie générale[3], et d’une mère qui était morte dans un asile d’aliénés[4] ; lui-même, avant de déserter, il avait été traité dans un hôpital de Prague pour troubles cérébraux[5]. Il vécut, tant qu’il y eut moyen, aux dépens de sa femme (pendant quelque temps à la campagne), puis retomba aux expédients, au jeu, en pleine crapule[6]. Il y aurait retrouvé (selon l’une des deux versions qu’on a de son histoire) un ancien camarade de collège, Stanislas Przyborowski, chevalier d’industrie, joueur et, depuis peu, espion[7].

  1. Eugène-Lazare Hudeneck de Cernuski Lazaréwitch, né à Budweiss (Bohème) le 5 septembre 1869 ; lieutenant au 14e dragons à Klattau.
  2. 9 novembre 1895.
  3. Cass., IV, 195, Baudouin : « Le père est mort gâteux. »
  4. À Pesth, 27 février 1897.
  5. Dossier de Rennes (liasse 3, nos 79 à 104).
  6. Il demanda l’admission à domicile, en fin de naturalisation ; sa demande fut repoussée (1898.)
  7. Procès Dautriche, 547, dép. de Wessel, le 4 mai 1900, devant le commissaire central de Nice : « Przyborowski m’avait