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RENNES


taires. Tomps l’avait prise en amitié pour son « honnêteté professionnelle », pourtant douteuse, et la tutoyait. Elle était belle fille, intelligente, la corruption même. Quand son trafic « officiel » chômait, elle travaillait pour son propre compte ou faisait la proxénète. À l’époque du procès de Rennes, elle formait avec Wessel et Przyborowski une sorte de bande. Wessel avait quitté le service allemand, à la suite d’une sottise de Junck qui avait mis l’État-Major prussien en éveil[1], mais le bureau continuait à l’employer ; Przyborowski, très en faveur, avait des intelligences à Vienne, dans son ancien ministère ; un vieux contrôleur au bureau des plans de mobilisation, Auguste Mosetig, lui livrait des pièces importantes[2]. Depuis la disgrâce de Tomps, ils opéraient sous la direction du capitaine Mareschal[3], mais, déjà, se jalousaient et se tenaient les uns les autres pour capables de tout[4].

  1. « En février 1898. j’ai eu des nouvelles du bureau des renseignements par l’intermédiaire de Junck. Il m’écrivit par la poste, La lettre comprenait des indications en clair des documents livrés et des renseignements fournis, ainsi que des sommes versées par Tomps. Fut-elle ouverte par la poste ? On s’informa à l’École d’artillerie au sujet des documents qui m’avaient été communiqués… Cela nous obligea à quitter l’Allemagne pour toujours. » (Note de Wessel.)
  2. Lettre de Przyborowski au ministre de la Justice, à Bruxelles, du 20 décembre 1899. — Il avait été arrêté, à la demande du gouvernement autrichien, pour « corruption de fonctionnaires », et protestait que l’extradition ne pouvait être accordée pour crime politique. — Mosetig était ober-revident (contrôleur en chef) au ministère des Chemins de fer de l’État ; il était âgé de soixante ans, père de famille ; il déclara, lors de son procès (11 juin 1900), qu’il avait été poussé par la nécessité de payer des dettes qui s’élevaient à 5.000 florins.
  3. Procès Dautriche, 171. François ; 213, Mareschal ; 535, Tomps, etc.
  4. Tribunal de Nice, 24 mars 1904, Mathilde : « Tout ce que je puis dire, c’est que Przyborowski et mon mari sont capables