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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

On a su d’eux-mêmes, mais cinq ans plus tard[1], qu’ils avaient eu rendez-vous à Zurich, le 16 août, avec un autre espion (peut-être un contre-espion) allemand[2], qu’ils connaissaient seulement sous le pseudonyme d’« Austerlitz ». L’individu se donnait pour un homme du grand monde, s’était offert, l’année d’avant, du vivant d’Henry, par correspondance, était venu ensuite à deux entrevues avec Mareschal, à Bâle et à Berne[3], annonçait toujours des documents extraordinaires, n’en livrait que de médiocres, et, comme tous les agents qui exagèrent à la fois leurs prétentions et leurs risques, réclamait des sommes considérables. Dans les derniers temps, il promettait les états du XVIe corps allemand (Metz) et demandait jusqu’à 60.000 francs, tant pour cette fourniture qui eût été, en effet, importante, que pour payer ses dettes dont, à chacune de ses lettres, il accroissait le montant[4]. Le général Brault, chef de l’État-Major, convint avec Rollin qu’on pouvait aller à 25.000 francs[5] qui furent remis

  1. Enquête Atthalin (mai 1904).
  2. Procès Dautriche, 108, Général Bertin, président du conseil de guerre.
  3. Ibid., 108, Dautriche ; 109, Mareschal.
  4. Ibid., 113, Mareschal : « Austerlitz me demande des secours d’argent allant de 300 à 40 et 60.000 francs ; il dit toujours qu’il est couvert de dettes… » C’est ce qui résulte, en effet, de sa correspondance : « J’ai 25.000 francs de dettes… J’ai besoin de 30.000 pour payer mes dettes… J’espère que vous commencerez par me donner 60.000 francs. » (Avril-juin 1899.) « Marchandage, dit Mareschal, qui dura un an. » — 333, colonel Hollender : « Tous sont exigeants, exagèrent leurs prétentions ; d’ailleurs, ils courent de grands risques. »
  5. Ibid., 149, 152, François ; 228, Rollin. — Brault étant mort bien avant le procès Dautriche, le 22 septembre 1899, le témoignage des officiers en ce qui le concerne échappe à tout contrôle. — Le 14 juillet, Mareschal écrit à Austerlitz : « Cela pourra bien aller à 20 ou 30.000, selon que les renseignements donneront quelque chose d’important. »