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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tables révélations de l’ancien officier et jura, sur son honneur de magistrat, que c’était « la preuve[1] ».


XXII

On entrait dans la dernière semaine du procès, la crise finale où toutes les armes sont bonnes.

Une seule idée hantait, énervait les esprits : le vote des juges. Quelques-uns seulement le tenaient pour acquis ; dans les deux camps, la plupart doutaient, craignaient, espéraient. Impossible que l’armée condamne sciemment un innocent ; impossible qu’elle frappe au visage les chefs, qu’elle se condamne elle-même. Jusqu’à la dernière minute, on peut gagner la voix qu’il faut, on peut la perdre.

À mesure que le procès avançait, les revisionnistes avaient eu davantage l’impression que ces juges-soldats appartenaient à une autre race, à une autre espèce qu’eux ; que les mots n’avaient pas pour eux le même sens, les choses le même aspect ; que leur cerveau, leur machine à percevoir et à juger, était gardé contre les faits « par des cloisons étanches[2] ». Cependant, il n’y a pas de cloisons, de cuirasses qu’on ne puisse crever, qui soient, à la longue, absolument impénétrables à la raison. C’est peut-être le dernier boulet, le dernier témoignage, qui forcera la résistance, emportera la conviction.

Et, inversement, les amis de Mercier redoutaient que

  1. Écho (antidaté) du 5 septembre 1899.
  2. Mot de Renan à propos d’un cerveau de prêtre, l’abbé Le Hiro, professeur d’hébreu ; le mot est cité par Taine, le Régime moderne, II, 143.