Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
475
RENNES


geignements. Mais la bête avait la vie dure. François, dans un rapport à Galliffet, va plaider sa cause, obtenir un sursis à la « brutale » exécution[1]. Rollin, seul, paya pour tous, fut renvoyé dans un régiment[2].

En fait, Galliffet vivait sur son passé, n’avait plus que des accès d’homme d’action. Aussi bien y avait-il toujours eu en lui du Matamore, même en son meilleur temps ou aux époques les plus terribles de sa vie.

Cependant Cernuski, toujours sans nouvelles de Jouaust, était retombé dans ses hésitations, et, bien que sa femme le poussât à se rendre tout de même à Rennes et à y forcer les portes du prétoire, il s’y refusait, alléguant ses embarras d’argent, la volonté manifeste des juges de ne pas l’entendre et le silence de Mercier lui-même, à qui il avait écrit et qui ne lui avait pas répondu. Puis, brusquement, le 2 septembre, il changea d’avis, alla trouver les deux négociants, Montéran et Deglas, qu’il avait pris des premiers pour confidents, leur dit qu’il s’était résolu à aller jusqu’au bout et leur demanda de l’accompagner le soir même à Rennes, ce qu’ils acceptèrent. Ils attribuèrent l’un et l’autre ce revirement à l’influence de Mme Cernuski[3]. Selon Quesnay, Montéran aurait pris à sa charge les frais du voyage[4], mais Montéran n’en dit rien. Enfin, Quesnay, averti, se mit aussitôt en campagne ; il résuma dans l’un de ses articles les plus fous ce qu’il savait de Cernuski, mais sans le nommer encore, accusa le gouvernement et Jouaust de vouloir « enterrer » les redou-

  1. Rapports du 6 septembre 1899. (Procès Dautriche, 154, François ; 419, de Lacroix.)
  2. 18 octobre 1899. (Ibid., 430.) — Rollin dit : « Vers le milieu de septembre. » (243.) Il entend (vraisemblablement) par là qu’il fut prévenu à cette date des intentions du ministre.
  3. Procès Dautriche, 662, Montéran ; 666, Deglas.
  4. Écho du 3 juin 1900.