Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
504
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


des principaux témoins de ce procès. Or, il est incontestable que ce qu’a dit ici M. le capitaine Freystætter est de nature à exercer une influence sur la façon dont vous pouvez apprécier mes dépositions, puisque toute la presse qui soutient la cause du capitaine Dreyfus me traite de faussaire à la suite de ce témoignage. Il est indispensable de liquider cette question devant vous. » Et comme c’eût été, en effet, légitime (à la condition d’un débat contradictoire). Jouaust, si prompt à inviter Hartmann ou Picquart à être brefs, lui donna licence de développer sa réclamation, c’est-à-dire le réquisitoire le plus perfide que le conseil eût encore entendu[1].

On voit à quel point le nouveau discours de Mercier entre, du premier mot, dans le vif de la situation ; il rappelle lui-même le dilemme : « Mercier ou Dreyfus ? » et il indique le moyen de choisir : c’est de vérifier, de Freystætter ou de lui, qui a menti sur la dépêche de Panizzardi ; si c’est Freystætter, tout le reste des dépositions de Mercier devra être tenu pour vrai, et Dreyfus est coupable.

Le bon sens disait que l’erreur de l’ancien juge eût vicié seulement son récit, mais c’était ce qui manquait le plus, et Mercier ne pouvait engager le dernier combat sur un meilleur terrain. Tous les avantages y sont de son côté : les témoignages concordants de Boisdeffre et de Gribelin ; l’affirmation de Du Paty qu’il n’a point compris la dépêche dans son commentaire ; l’erreur commune que c’était ce commentaire qui avait été présenté aux juges ; la déposition de Picquart « qui n’a jamais dit que la dépêche eût fait partie du dossier qu’il a eu entre les mains » ; le souvenir précis du commandant Patron qu’elle n’a pas été communiquée, et le manque de mé-

  1. Rennes, III, 532 à 541, Mercier.