Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
544
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


parts, on proposait de mettre la France en quarantaine, de décliner son invitation à l’Exposition, qui devait s’ouvrir au printemps prochain, ou d’y aller comme dans un mauvais lieu[1].

Révolte de la conscience universelle ? coalition spontanée de jalousies et de haines ? Contre l’une ou contre l’autre, c’est l’évidence que nul raisonnement, nul plaidoyer ne sera efficace. Tous nous sommes atteints, éclaboussés. « Il faut dégager l’honneur de la France ! »

J’écrivis, sous ce titre, un article qui était le développement, un peu oratoire, de cette formule, et dont la conclusion était que le gouvernement, le pouvoir exécutif, était seul en situation de réparer le mal, qu’un acte immédiat s’imposait, et que cet acte, à défaut d’un pourvoi du ministre de la Justice, c’était la grâce. Ainsi toute solidarité sera rompue entre les cinq juges de Rennes et la France, le peuple français au nom de qui ils ont recondamné un innocent[2].

  1. Dépêches de l’Agence Havas, avec des extraits des journaux de la veille (éditions du soir). — « Les feuilles étrangères continuent à déborder de fiel et d’outrage… Dans tous les pays du monde, on a mis la France à l’index. » (Éclair du 12 septembre 1899.) — Le 14, les gouvernements italien et allemand firent savoir officiellement qu’ils désapprouvaient le mouvement de boycottage contre l’Exposition. (Note Havas.) — À Indianapolis, le drapeau français fut brûlé sur la place publique. (Times du 11.) — La Reine d’Angleterre télégraphia au lord chief-justice, à Rennes, « qu’elle avait appris avec stupeur l’affreux verdict et qu’elle souhaitait que le pauvre martyr en appellerait à de meilleurs juges ».
  2. Siècle du 11 : « Notre plus douloureuse pensée va à l’armée éclaboussée, à la France atteinte dans le plus pur d’elle-même, dans toutes les gloires de son passé, dans tout ce qui faisait d’elle la plus grande personne morale qui fût au monde… Si notre bataille a pu suffire, jusqu’à présent, à sauver devant le monde l’honneur de la France, il faut avoir le courage de reconnaître qu’aujourd’hui, après le crime de Rennes, le Non des républicains restés fidèles à l’idéal impérissable de la République ne suffit plus à désolidariser la Nation d’avec les