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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’Italien, acheté par le Syndicat, mentait maintenant, la chose eût été encore plus miraculeuse, car le texte (authentique, selon Cuignet) qui avait été télégraphié, quand il arriva à Rome par le fil électrique, était identique au décalque argué de faux ; et l’électricité elle-même était du Syndicat.

Enfin, si Freycinet ne savait rien de la déclaration, que Gonse lui avait cachée, de Panizzardi à Fontenillat, il connaissait celle de Tornielli à Delcassé, qui en était la répétition, et la lettre de Panizzardi à Marselli, presque identique et antérieure d’un jour à la dépêche.

L’énorme absurdité de Cuignet s’expliquait cependant, mais par un autre faux, encore inconnu, d’Henry, qui avait fait lui-même, selon la règle qui domine cette histoire, ce que ses successeurs accusaient les défenseurs de Dreyfus d’avoir fait, c’est-à-dire un faux décalque[1]. Seulement, ni Cuignet, ni Du Paty, qui soutenait la même sottise, ne le produisaient.

Mazeau, d’ailleurs, ne poussa pas si avant. Quand Cuignet, devant Chamoin et Paléologue, répéta que le décalque était faux, il le rabroua, lui demandant s’il n’y avait que des faussaires dans toutes les administrations. Cuignet n’insista pas, gardant son arme en réserve, observa seulement que l’écriture de la dépêche, telle qu’elle apparaissait sur le décalque, n’était pas celle de Panizzardi ; mais, cela dit, il consentit à collaborer à la traduction du télégramme, et quand on aboutit, une fois de plus, à la version du ministère des Affaires Étrangères, il signa, avec Chamoin et Paléologue, le procès-verbal qui l’établissait ne varietur : « Si le capitaine Dreyfus n’a pas eu de rapports avec vous, il serait bon de charger l’ambassadeur de publier

  1. Voir t. III, 601 et 648.