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CHAMBRES RÉUNIES

X

Depuis six semaines, l’atmosphère était tellement modifiée que le premier acte de la Chambre, à la rentrée de mai, fut de renverser Freycinet, rien qu’en le poussant.

Elle avait commencé par ajourner, après l’arrêt de la Cour, diverses interpellations sur l’Affaire[1] ; cependant, Viviani profita de l’occasion pour rappeler à Dupuy son dernier discours, pendant les vacances, son engagement de prendre « contre les auteurs de crimes prévus par le droit pénal, sans avoir égard à aucune complicité, si haute qu’elle soit, des mesures de coercition judiciaire » ; et ces paroles, qui eussent soulevé des orages, il y a deux mois, furent écoutées dans le silence.

La Droite savait certains partisans de la revision fort échauffés sur cette question des « sanctions nécessaires », comme avait dit inopinément Dupuy, mais dont Galliffet venait d’écrire qu’il fallait en épargner « le discrédit à l’armée[2] ». Elle les laissa s’enferrer, poser eux-mêmes au conseil de guerre, encore dans le devenir, la redoutable et perfide question : Dreyfus ou Mercier ?

Trois jours après[3], le député Gouzy interrogea Freycinet sur un incident tristement significatif qui s’était produit à l’École polytechnique. Le fils de Victor Duruy, qui, depuis plusieurs années, y faisait un cours d’histoire, avait publié quelques articles, d’un patriotisme vibrant, où il suppliait l’armée de ne pas

  1. Séance du 2 mai 1899.
  2. Journal des Débats du 1er mai. Clemenceau traita aussi tôt Galliffet de « massacreur ». (Aurore du 2.)
  3. Séance du 5.