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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


faire sienne plus longtemps la cause du « pandour » Esterhazy et de conserver à la France « ces deux provinces morales, la Vérité et le Droit[1] ». Aussitôt Drumont et Humbert étaient partis en guerre contre lui, l’accusant « d’avoir marché sur l’honneur de l’armée et le cœur de la France », et invitant les polytechniciens, la première fois qu’il paraîtrait en chaire, à le siffler et à réclamer sa démission. En d’autres temps, l’idée d’adresser de tels conseils à la vieille école libérale, fille de la Convention et actrice dans toutes les grandes Révolutions, ne fût venue à personne. Mais, ici encore, depuis la loi Falloux, avait pénétré l’esprit de réaction ; d’anciens élèves des Jésuites[2] montèrent le coup pendant les vacances et, dès la rentrée des études, la manifestation se produisit[3]. — L’homme qu’on outrageait ainsi s’était engagé à seize ans pendant la guerre, ainsi que deux de ses frères ; son vieux père, la plaque de grand officier de la Légion d’honneur sur sa tunique, avait, lui aussi, pris un fusil et monté la garde sur les remparts de Paris. — Duruy pria le commandant de l’École, le général Toulza, de laisser de côté les sévérités du règlement et de n’adresser aux meneurs qu’une réprimande[4] ; le général y consentit, mais, en même temps, prononça la suspension du cours, et Freycinet l’approuva[5]. Gouzy, ancien officier et ancien élève de l’École, déve-

  1. Figaro des 10 et 22 février, 3, 9 et 25 mars, 7, 14 et 22 avril 1899. Ces articles, avec quelques autres, ont été réunis en volume, Pour la justice et pour l’armée.
  2. Georges Duruy (Temps du 30 avril) et Gouzy (Séance du 5 mai).
  3. 24 avril.
  4. Lettre du 24 avril.
  5. Discours de Freycinet : « Le général avait pris cette mesure avant d’en recevoir l’ordre ; il a eu raison, je l’approuve et je le couvre. »