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CHAMBRES RÉUNIES


compte, l’annulation du jugement de 1894 et l’acquittement des émeutiers de Reuilly.

Déroulède, depuis longtemps « sympathique » et ridicule, avait beau faire ; il ne revenait pas de cet état. Jusqu’au bout de l’instruction, il avait demandé à être poursuivi « pour des faits », « un complot sorti de la période de préparation[1] » ; — jusqu’au bout, parquet, juge, Chambre des mises en accusation n’avaient consenti à le poursuivre que pour des paroles (ses cris, à la place de la Nation, que Roget n’avait toujours pas entendus ; ses discours, dans la cour de la caserne, qui n’étaient pas restés davantage dans le souvenir du général) ; — c’est-à dire que l’affaire se présenta ainsi : d’une part, un accusé qui fulminait contre ses accusateurs, parce qu’ils le ménageaient et, comme il disait dans son jargon, « violaient au plus haut point (en diminuant son personnage) les droits de la défense[2] » ; de l’autre, des magistrats, bien différents de ceux qu’avait connus Dreyfus, qui n’avaient jamais assez de preuves[3]. — La comédie se conti-

  1. Instr. Pasques, 95, note des avocats, Falateuf, Rouiller, Bertron.
  2. Ibid., 96. — Dupuy, dans son discours du 9 avril 1899, signala la tactique de Déroulède : « Le grossissement de son rôle, le grandissement de son personnage… » Déroulède protesta aussitôt par une lettre qu’il rendit publique (14 avril, Conciergerie, cellule n° 33).
  3. L’ordonnance de soit-communiqué fut rendue le 6 avril. L’arrêt de la Chambre des mises en accusation, du 23, renvoie Déroulède et Habert devant la cour d’assises « pour avoir provoqué directement à un attentat dont le but était de détruire ou changer le gouvernement, crime contre la sûreté intérieure de l’État prévu par les articles 87 et 88 du Code pénal, sans que ladite provocation ait été suivie d’effet, et adressé à des militaires des armées de terre des provocations dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires, délit prévu par les articles 23, 24 et 25 de la loi du 29 juillet 1881 et la loi du 12 décembre 1893 ».