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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/102

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Il faut distinguer entre ces trois officiers. — François et Fritsch sont surtout les hommes d’une idée fixe, aveuglés par la passion, momentanément incapables de distinguer entre le vrai et le faux, le bien et le mal. C’est dans une lettre intime, d’une évidente sincérité, que François écrit : « Nous allons, je le crains, entrer dans une crise nouvelle, plus terrible peut-être et plus grave, dans tous les cas, que la dernière. Comment en sortirai-je ? À la garde de Dieu ! Mais j’ai toujours devant moi l’exemple de mes trois prédécesseurs : le premier mort fou ; le deuxième disqualifié et honni ; le dernier, le meilleur de tous, et le plus droit et loyal, suicidé d’un coup de rasoir[1]. » Voilà l’état d’esprit de l’officier que Galliffet a mis à la tête du service des Renseignements, d’ailleurs républicain, « l’ayant été à une époque où il y avait quelque mérite et peu d’avantages à l’être[2] », et, dès qu’on le sort de l’Affaire, intelligent et droit. — Chez Mareschal, au contraire, le mobile semble être l’intérêt personnel ; calme et froid à l’ordinaire, toute investigation qui se dirige vers la machination du faux témoignage de Cernuski l’inquiète ou l’irrite : en a-t-il été ? sait-il seulement ? acteur ou témoin ? Le certain, c’est que, dans la lutte engagée entre le service des Renseignements et celui de la Sûreté, il y a un combat particulier ; Mareschal ne tire pas dans le tas, il vise Tomps directement, parce que Tomps est sur la piste qui conduit au mot de l’énigme.

Guénée, à l’époque d’Henry, avait entrepris, par ses procédés ordinaires, une enquête sur un certain nombre d’hommes politiques engagés dans l’Affaire, ou seule-

  1. Lettre du 28 avril 1900 (Procès Dautriche, IV).
  2. Ibid., 185, François ; 617, Clémentel.